Camp 3 validé !

Mardi 16 mai. Montée et soirée au camp 3.

« Nous quittons le camp 2 à 6 400 m avec l'arrivée du soleil vers 7h30, poursuit Maxime. De nombreux petits points noirs jalonnent déjà l'itinéraire qui se dessine parfaitement depuis les tentes du camp. Il va y avoir du monde. J'entends Guillaume s'en plaindre bruyamment. Il n'aime ni la chaleur ni la foule. Le voilà servi et à double ration ! Pour ma part, je reste sur ma stratégie : concentration et économie d'énergie. Toute autre considération que mettre un pied devant l'autre, tendu vers mon unique objectif serait des calories et de l'énergie gaspillée. Nous sommes tous surpris par la force du vent qui nous assaille dès la sortie des dernières tentes. Nous ne le savons pas encore mais cet indésirable compagnon, dont notre routeur Yan nous a promis l'absence et qui conditionne notre réussite et notre sécurité va en réalité jouer les troubles fêtes tout au long de notre tentative. Et, nous le savons encore moins, va provoquer de multiples gelures graves et autres accidents, dont certains fatals. C'est d'ailleurs une silhouette orange qui attire mon attention moins d'une centaine de mètres en amont du camp. Un type en combinaison d'altitude flashy a l'air de se reposer assis contre un rocher. Ce qui est étrange, c'est qu'il n'est pas sur la trace habituelle. Et surtout qu'il ne bouge pas. Soudain, je trésaille à un horrible pressentiment. Ningma qui est juste derrière moi va pouvoir répondre à ma question... Je n'ose y croire, si près du camp 2, s'agirait-il... ? Yes, yes me répond-il avec un sourire triste : this man is a dead body. Je suis choqué, j'en parle à Guillaume qui n'a manifestement pas vu le corps, le veinard. Ainsi, donc, à l'Everest on peut mourir, comme ça, assis, à quelques mètres d'un camp où vivent et dorment des centaines de personnes ?! Guillaume tente des hypothèses, un retour de nuit, un épuisement total, un oedème pulmonaire. J'apprends que la manière la plus courante de mourir en altitude, n'est pas de tomber dans le vide ou de se rouler dans d'atroces souffrances. Non, c'est de s'assoir, et de tranquillement s'éteindre dans son sommeil. Si personne n'est là pour vous tirer de votre mortelle torpeur, il paraît que ça peut aller très vite, de quelques minutes à quelques heures. Quant à savoir pourquoi ce macchabée, si près de la civilisation n'a toujours pas été évacué, hé bien la réponse de mon Sherpa est tout aussi étonnante : « pas d'amis ; pas d'argent ».

En l'absence de moyens ou de compagnons pour s'en occuper, le corps va peut-être encore rester là plusieurs jours, conservé dans son linceul de gel à la morgue de la Combe Ouest.

Nous poursuivons notre longue marche. Déjà la silhouette de Julien qui n'arrive décidément pas à nous suivre s'éloigne, comme diminuent les tentes du camp 2. Au dessus de nous, la rimaye et les petites tâches colorées du camp 3 qui elles ne grossissent jamais assez vite. « Nous arrivons au camp 3 lentement mais sans encombre vers 13 heures. Nos Sherpas ont passé un accord avec un autre Sherpa, membre de leur famille et qui bosse pour une autre agence : il nous a assuré que deux tentes montées pour d'autres clients seraient vides ces jours-ci. Nous pouvons les utiliser sans hésiter. Cela leur aura évité de monter ce matériel (dans tous les sens du terme). Avec Guillaume nous nous allongeons avec délice une soupe brûlante dans une main et le masque à oxygène à portée de l'autre. La sieste qui va suivre est incroyable. Avec l'oxygène, tous mes membres se réchauffent. Ca picote même au bout des doigts. Le sommeil est profond, réparateur.

Au coucher du soleil, nous découvrons que le camp s'est rempli aux trois-quarts. Guillaume compte 120 tentes. A deux ou trois occupants... ça fait une sacrée meute, d'autant que la plupart des Sherpas accompagnateurs ne dorment jamais au camp 3 qu'il craignent autant par raison que par superstition. »

© Récit et photos : Guillaume Vallot - droits réservés

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🇬🇧 ENGLISH VERSION

Tuesday, May 16 2023.

Ascent and evening at Camp 3.

"We leave Camp 2 at 6,400m with the arrival of the sun around 7:30 a.m.," Maxime continues. "Numerous small black dots already mark the route that is clearly visible from the camp's tents. It's going to be crowded. I hear Guillaume complaining loudly. He doesn't like the heat or the crowd. Well, he's in for a treat, doubly so! As for me, I stick to my strategy: focus and energy conservation. Any other consideration than putting one foot in front of the other, aimed at my sole objective, would be wasted calories and energy. We are all surprised by the strength of the wind that assails us as soon as we leave the last tents. Little do we know that this unwelcome companion, whose absence our router Yan promised us and which determines our success and safety, will actually play the spoilsport throughout our attempt. And even less do we know that it will cause multiple severe frostbites and other accidents, some of them fatal. In fact, it's an orange silhouette that catches my attention less than a hundred meters upstream from the camp. A person in a flashy high-altitude suit seems to be resting, sitting against a rock. What's strange is that he is not on the usual trail. And especially that he doesn't move. Suddenly, a dreadful feeling rushes through me. Ningma, who is right behind me, will be able to answer my question... I dare not believe it, so close to Camp 2, could it be...? "Yes, yes," he replies with a sad smile, "this man is a dead body." I am shocked. I mention it to Guillaume who evidently hasn't seen the body, lucky him. So, at Everest, one can die like that, sitting just a few meters from a camp where hundreds of people live and sleep?! Guillaume comes up with hypotheses: a return during the night, total exhaustion, pulmonary edema. I learn that the most common way to die at high altitude is not to fall into the void or endure excruciating suffering. No, it's to sit down and quietly pass away in one's sleep. If no one is there to rouse you from your deadly stupor, it seems it can happen very quickly, from a few minutes to a few hours. As for why this corpse, so close to civilization, hasn't been evacuated yet, well, my Sherpa's response is equally astonishing: 'No friends; no money.'"

In the absence of means or companions to take care of it, the body may remain there for several more days, preserved in its icy shroud at the morgue of the West Combe.

We continue our long march. Already, the silhouette of Julien, who clearly can't keep up with us, fades away as the tents of Camp 2 diminish. Above us, the crevasse and the small colorful specks of Camp 3 never grow fast enough. "We arrive at Camp 3 slowly but without any problems around 1 p.m. Our Sherpas made an arrangement with another Sherpa, a member of their family working for a different agency. He assured us that two tents set up for other clients would be empty these days. We can use them without hesitation. It saved them from having to carry that equipment up (in every sense of the word). Guillaume and I delightfully stretch out, holding a steaming soup in one hand and the oxygen mask within reach of the other. The nap that follows is incredible. With the oxygen, all my limbs warm up. I can even feel a tingling sensation at my fingertips. The sleep is deep and restorative.

At sunset, we discover that the camp has filled up three-quarters of the way. Guillaume counts 120 tents. With two or three occupants each... that makes for quite a crowd, especially since most of the accompanying Sherpas never sleep at Camp 3, fearing it as much for practical reasons as for superstition."

© Story : Guillaume Vallot - all rights reserved

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