Le départ du camp de base de l’Everest

Lundi 15 mai 2023.

Avant-dernière traversée de l’Icefall et de la combe ouest, direction le camp 2.

Dimanche 14, de retour au camp de base, l'émulation habite chacun d'entre nous. Demain, c'est le grand jour, le départ pour le sommet... Du moins pour le ‘’Summit Push'', l'ascension finale qui se décompose lui-même en 4 journées. La première, ce sera la montée au camp 2 jusqu'à 6 400 m, à travers la redoutée IceFall et la longue Combe Ouest. La seconde doit nous emmener au camp 3 à 7 300 m. La troisième journée, le 18 mai, au sommet de l'Himalaya et la quatrième nous voir redescendre au camp de base pour boucler la boucle. Ça, c'est pour la théorie, car de multiples bâtons peuvent venir se glisser dans nos roues. Le premier étant bien entendu la météo que nous surveillons comme de l'huile sur le feu. Le second étant une toujours possible faiblesse ou défaillance d'un des équipiers. Le troisième étant un impondérable qu'on appelle bizarrement « objectif » en jargon d'alpiniste : un effondrement de sérac dans la cascade de glace, une coulée de neige qui emporterait un camp et son matériel, etc…

2 heures du matin, bye-bye le camp de base.

« En quittant le camp de base, raconte Maxime, je prends soin de faire trois fois le tour de l'autel de la Puja, comme le veut la tradition bouddhiste. Nous lançons des grains de riz dans le ciel en criant « ZOooooO » pour nous attirer les bonnes grâces (ou au moins éviter la colère) de la déesse. Sur le coup, je vois bien que je suis le seul des trois Français à faire les trois tours, je chambre un peu Guillaume et Julien qui dans le noir s'échappent déjà vers le glacier. La montée dans l'Icefall commence sous les meilleurs auspices. Nous attaquons tous très motivés à 2 heures du matin. Guillaume, très en forme, caracole déjà en tête et Julien qui doute de plus en plus de son acclimatation, me suit sans souci. Soudain, j'entends un bruit sourd et effrayant pile au dessus de moi, à une distance de 50 ou 100 m, c'est difficile à évaluer. Nous nous figeons sur place. Un bloc a bougé dans la nuit. Impossible de deviner sa vitesse, sa trajectoire... Cela ne dure qu'une fraction de seconde mais le temps s'arrête. Nous savons tous qu'en cas de grande malchance, la vie peut s'arrêter maintenant. Sans crier gare. Des cris raisonnent dans la cascade. Les gens s'appellent prennent des nouvelles. « Ca va en bas ?! » « Oui ça va et vous là-haut ? » « C'était à mon niveau mais à ma droite ! » « Oui juste au dessus de nos têtes mais ça n'a pas été loin ! »... Tout le monde se remet en route. J'aimerais dire sur la pointe des pieds. En fait tout le monde a du mal à retrouver son rythme. D'une part, à cause de l'émotion, d'autre part car on voudrait maintenant monter plus vite que la musique. Guillaume qui ralentissait sa vitesse pour me laisser le rattraper ne fait plus de sentiment, sa frontale, visible de temps de temps entre les séracs s'éloigne inexorablement. Il a décidé, comme nous tous, de sortir le plus vite possible de ce traquenard. »

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© Récit : Guillaume Vallot - droits réservés

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🇬🇧 ENGLISH VERSION

Monday, May 15, 2023.

Penultimate crossing of the Icefall and the West Couloir, heading towards Camp 2.

On Sunday the 14th, upon returning to the base camp, excitement fills each one of us. Tomorrow is the big day, the start of the summit push... Or at least the "Summit Push," the final ascent that is itself divided into four days. The first day will be the climb to Camp 2, up to 6,400 meters, through the dreaded Icefall and the long West Couloir. The second day should take us to Camp 3 at 7,300 meters. The third day, on May 18th, we'll reach the summit of the Himalayas, and the fourth day will see us descend back to the base camp to complete the journey. That's the theory, but numerous obstacles can come our way. The first, of course, is the weather, which we monitor closely. The second is the potential weakness or failure of one of the team members. The third is an unpredictable factor, strangely referred to as the "objective" in mountaineering jargon: a collapse of serac in the icefall, an avalanche that could sweep away a camp and its equipment, and so on...

2 a.m., goodbye base camp.

"While leaving the base camp," Maxime recounts, "I make sure to circumambulate the Puja altar three times, as per Buddhist tradition. We toss grains of rice into the sky, shouting 'ZOooooO' to attract the blessings (or at least avoid the wrath) of the goddess. At that moment, I realize I'm the only one of the three French climbers doing the three rounds. I tease Guillaume and Julien a bit as they already disappear into the darkness towards the glacier. The ascent of the Icefall begins on a positive note. We all start enthusiastically at 2 a.m. Guillaume, in excellent shape, quickly takes the lead, and Julien, who is increasingly doubting his acclimatization, follows me without any issues. Suddenly, I hear a dull and frightening noise just above me, at a distance of 50 or 100 meters—it's hard to gauge. We freeze in place. A block has moved in the night. It's impossible to guess its speed, its trajectory... It only lasts a fraction of a second, but time stands still. We all know that in a stroke of bad luck, life could end right now. Without warning. Shouts echo in the icefall. People call out and ask for updates. 'Are you okay down there?!' 'Yes, we're fine, and how about you up there?' 'It happened at my level but to my right!' 'Yes, just above our heads, but it didn't come close!'... Everyone resumes their journey. I'd like to say we tread lightly, but in fact, everyone struggles to find their rhythm. On one hand, due to the emotions; on the other hand, because we now want to climb faster than the music. Guillaume, who had slowed down to let me catch up, shows no mercy. His headlamp, visible from time to time between the seracs, inexorably fades into the distance. He has decided, like all of us, to get out of this trap as quickly as possible."

© Story : Guillaume Vallot - all rights reserved

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🙏 Sherpalaya pour ces images !

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