Everest Base Camp : première victoire !

Samedi 15 avril 2023

Lobuche 5h du matin. Réveillés par les sonneries des chambres voisines, nous commençons à nous demander si cette journée ne sera pas la plus longue et la plus difficile du trekking. Comme à notre (vilaine ?) habitude, notre groupe déjeune et part en dernier. Le lodge hier soir bondé est à présent désert. Au loin, la pyramide massive du célèbre Pumori, 7 200 m, déchire un ciel laiteux. C'est un amer à la fois rassurant car il indique l'entrée dans le glacier du Khumbu. Mais il est aussi inquiétant car le camp de base, notre objectif, en est bien au-delà.

Nous avalons à petit rythme 2h30 de terrain plutôt plat et ensablé, constellé de blocs erratiques. « Nous marchons pour une fois en silence, explique Max, comme dans l'attente d'un grand événement. Chacun s'enferme dans ses pensées. Pour ma part, j'écoute beaucoup ma respiration. J'essaie d'aller chercher au fond de mes poumons cette part d'air inutilisée. L'impatience de découvrir notre Graal me ferait plutôt accélérer. En même temps, la crainte de l'altitude me dit de ne rien en faire. »

Gorak Shep, dernier port.

Des créneaux de granite noirâtre festonnés de schistes bruns soulignent la rive droite, tandis qu'à la gauche, la colossale face sud du Nuptse a décidé d'occuper tout le paysage. « Soudain, au détour d'un gros bloc, nous entendons tousser et vomir violemment. Jusque-là, nous avions vu des gens très lents ou très fatigués. C'est la première fois que nous croisons un marcheur ayant manifestement maille à partir avec le mal aigu des montagnes. Assistée de ses compagnons, la jeune Israélienne est face à sa décision, poursuivre au risque d'aggraver son état ou faire prudemment demi-tour. »

Dans une villosité du sentier, apparaît Gorak Shep, notre halte déjeuner. Sise juste avant le début du terrain morainique instable, le lieu-dit est la dernière construction en dur avant le camp base de l'Everest. Ce qui, jadis, n'était qu'une modeste cabane d'alpage est devenue aujourd'hui un ensemble serré de plusieurs lodges florissants et, sur une vaste étendue sableuse, une DZ animée. L'insolite qui peuple chaque journée népalaise, se présente sous les traits d'un porteur sherpa tentant d'apprendre le vélo sur une sente scabreuse et un biclou déglingué. Rigolade assurée.

« Le déjeuner, aussi médiocre que dispendieux, est digne de ces haltes dont le seul privilège est d'être obligatoire. L'estomac noué, il faut pourtant attaquer les interminables moraines, dernière épreuve avant le camp de base. » 

Nous jetons nos forces sur le sentier d'autant plus excités que le cirque des cimes semble se refermer, que les premiers séracs de l'Ice Fall se dessinent au loin et qu'on nous a promis un excellent cuisinier pour le dîner.

« - Dis, Nima, il a l'air bien sec ! s'interroge Maxime découvrant le glacier du Khumbu.

 - Glacier sec, répond le Sherpa.

 - Mais alors, reprend le marin, la cascade de glace de l'Everest aussi doit être sèche et mauvaise ?

 - Ice Fall toujours mauvaise… »

Une première victoire.

Soudain, dans une pente plus raide que les autres, une grappe de petites tâches orangées fleurissent dans le gris uniforme de l'immense moraine latérale. Le Camp de base de l'Everest !

« On l'a tellement fantasmé depuis des jours, s'enthousiasme le navigateur. Il est là, au pied de sa cascade de glace, aussi improbable que nécessaire. Pour mon frère Jérémy qui est aussi mon premier collaborateur et pour sa femme Perrine, c'est le sommet de leur voyage, l'aboutissement de leur trek. Pour les trois grimpeurs, Guillaume Vallot l'ami alpiniste qui a déjà vaincu le toit du monde, Julien Ferrandez le vidéaste grenoblois chevronné et moi même, ce n'est déjà qu'un point de départ, celui de l'ascension de l'Everest ! »

© Récit : Guillaume Vallot - Photos : Guillaume Vallot - Jérémy Sorel - droit réservés

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